Je restaure les collections dans les musées d'Histoire Naturelle depuis 1982 et c'est toujours avec la même passion que j'exerce ce métier.

 

En effet, la découverte des spécimens du Muséum de Blois en 1982 a été pour moi une révélation : j'ai trouvé une collection importante en très mauvais état mais, toutefois, pour le taxidermiste que je suis, l'impression de pouvoir sauver tout ce fabuleux patrimoine que les anciens avaient créé. J'ai relevé le défi et j'ai fini par mettre au point une méthodologie de restauration qui me semble cohérente. Je travaille en binôme avec ma femme que j'ai converti depuis 1989.

 

Nous travaillons en concertation directe avec le conservateur et définissons ensemble le type d'intervention, la restauration étant différente pour les collections présentées au public de celles qui sont en réserve, pour étude; nous n'intervenons pas sur les collections de référence (type, paratype…). L'examen minutieux des spécimens permet d'évaluer et de prévoir la stratégie de restauration.

 

Les animaux présentés au public doivent être représentatifs de l'espèce, ce qui entend le changement des yeux si les couleurs ne correspondent pas (à l'époque, les erreurs étaient fréquentes par manque de documentation), la coloration des becs, pattes et caroncules à l'aide de peinture à l'huile. Nous travaillons toujours à l'aide de documents scientifiques (livres, photos, description..).

 

Nous avons toujours à l'esprit que notre travail doit être réversible et puisse être repris si nous avions commis une erreur.

 

La base de notre travail consiste en un passage à l'air comprimé (pression variant suivant les spécimens) et ensuite, en un nettoyage avec un mélange d'acétone et white-spirit puis un séchage au sèche-cheveux (chaleur douce). Nous ne pouvons pas utiliser d'eau et de savon car la peau des spécimens est très fragile et le risque de développement de moisissures est grand; de plus, les tannages de l'époque (sel et alun de potasse) sont très réactifs à l'eau. Les plumes et poils qui ne tiennent plus, sont repérés et conservés afin d'être réimplantés ultérieurement.

 

Nous sommes parfois obligés de réparer, voire de fabriquer, des pattes, becs, truffes : nous utilisons, pour ce faire, du mastic polyester chargé en fibres de verre et des pâtes époxy , "contraints" sous une empreinte de plastiline ou de silicone, prise au plus proche ou emprunté sur un spécimen en bon état, de façon à relever le relief des écailles et la cohérence des dessins. La même technique est utilisée pour fabriquer des griffes, ongles ainsi que les écailles des reptiles.

 

Comme nous l'avons dit précédemment, les yeux cassés ou dont la couleur ne correspond pas, sont changés en ramollissant la paupière à l'eau chaude, puis l'œil, souvent enrobé dans une gangue de mastic de vitrier, est extrait avec précaution (opération extrêmement délicate); quand l'extraction n'est pas possible, l'animal conserve ses yeux d'origine et " l'erreur " est signalée sur la fiche de restauration qui suivra le spécimen.

 

Quand le spécimen est décoloré, il nous arrive de le reteinter à l'aide de teinture à l'alcool passée à l'aérographe. Nous réparons les gueules, truffes , paupières et oreilles à l'aide d'une pâte époxy permettant, quand elle est fraîche, de modeler toutes les formes et volumes voulus et pouvant se sculpter une fois sèche; le maquillage se fait à l'aide de peinture à l'huile.

 

Pour les dioramas anciens de la fin du XIXe et début XXe

(musée de Châteaudun, collections du Domaine Royal de Randan),

nous conservons " l'esprit " dans lequel ils ont été montés et nous repeignons les végétaux le plus discrètement possible en respectant l'âge du montage (patine). Pour les animaux, il en va de même, les peintures sont " vieillies" et nous accordons les couleurs à l'âge du spécimen sinon la sensation de "neuf" serait trop présente.

 

 

Pour nous, ce métier est un plaisir nous permettant de rendre hommage aux  naturalistes et taxidermistes qui ont constitué toutes ces collections et ont donné une grande partie de leur temps à la connaissance de la nature, de sauvegarder des spécimens dont l'intérêt historique et scientifique est indéniable (nombre d'animaux

sont disparus ou en voie de disparition) et aussi l'impression d'être "utile" à la conservation de ce patrimoine.

 

 

 

Yves WALTER

Restauration des collections zoologiques

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